24 Juillet 2008 :
Pierre revient après plus de deux ans d'absence ...
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Rappel anatomique succint
Au niveau du poignet le n.cubital se divise en 2 branches terminales:
superficielle
et
profonde
La branche superficielle
sensitive, qui donne un nerf qui gagne le côté interne du petit doigt (collatéral palmaire interne du 5ème), puis un autre nerf en 2 parties qui longent les bords du 4ème et 5ème doigt.
La branche profonde
motrice, innerve les muscles de l'eminence hypothenar et se termine par 3 rameaux destinés aux muscles de l'éminence thenar
Territoires sensitifs des nerfs cubital (bleu) et median (jaune) face ventrale et dorsale de la main
Nerf cubital et Nerf median avec ramifications ( face palmaire )
Groupes musculaires du 1er et 5eme doigt
La paralysie cubitale des coureurs cyclistes est connue depuis près d'un siècle. L'accroissement récent du nombre des pratiquants a suscité un regain d'intérêt pour cette pathologie qui ne touche que les cyclistes amateurs.
Pour illustrer cette pathologie trois exemples de situations précises:
Observation n°1
Louis C. médecin, présente brutalement une paralysie cubitale droite, lors d'une randonnée à bicyclette en Corse, comprenant des étapes de 100 km sur des routes dégradées.
Cette paralysie est purement motrice, sans atteinte sensitive. Une semaine plus tard, et malgré l'arrêt du vélo, le déficit persiste et s'accompagne d'une fonte du premier espace interosseux : la gêne fonctionnelle devient sévère et Louis C ne peut plus tenir son arthroscope.
La récupération ne débute qu'un mois plus tard, et ne sera satisfaisante qu'au bout de quatre mois. A l'aide d'une protection de mousse et d'une modification de la prise du guidon, Louis C. parcourt 2 500 km l'année suivante, sans aucun trouble.
Observation n°2
Nicole H., employée de banque, 35 ans, se plaignait depuis un an de paresthésies transitoires des doigts cubitaux lors de la pratique du vélo.
Le lendemain d'une longue randonnée, elle se présente à la consultation avec une griffe cubitale de la main gauche, associée à des paresthésies (= fourmillements) des deux mains. L'electromyogramme décèle un bloc de conduction moteur et sensitif complet à gauche, et uniquement sensitif à droite.
Cinq jours plus tard, la griffe cubitale a disparu, mais il persiste un déficit moteur des intrinsèques cubitaux gauches qui ne régresse totalement qu'en plusieurs semaines, malgré l'arrêt complet du vélo.
Observation n°3
Monsieur S., 65 ans, reprend le vélo après une longue interruption et effectue par étapes de 100 km une randonnée de 700 km. A la 4ème étape, il présente des paresthésies des deux mains qui s'accompagnent le lendemain de troubles moteurs, prédominant à gauche, et l'empêchant de boutonner ses vêtements.
Monsieur S. attribue ses troubles à une pression de gonflage de ses pneus trop importante et à une selle mal réglée, augmentant l'appui au niveau des mains. Il termine malgré tout sa randonnée, avec une protection de mousse sur la paume.
Un mois et demi après l'arrêt du vélo, la main droite a totalement récupéré, mais une diminution de sensibilité épicritique est encore perçue à gauche.
Mécanisme
Les causes de compression du nerf cubital au poignet sont nombreuses mais sa survenue, lors de la pratique du vélo, est rare, bien que classique.
Le rôle des mains est de transmettre les forces de traction, par l'intermédiaire des roues, jusqu'à la musculature abdominale et dorsale, puis jusqu'aux pieds par la selle servant de pivot
L'amplitude de ces forces est supérieure au poids du corps ; notamment lors des montées. Elles s'appliquent sur un nerf cubital à l'étroit dans le canal de Guyon, et tendu par l'hyperextension et l'inclinaison cubitale de la main (
Fig 5)
sur l'apophyse unciforme de l'os crochu. (
Fig 4)
Trajet du nerf median à proximité de l'os crochu
Hyperextension cubitale des mains sur le guidon
Ce stress permanent devient pathologique lorsqu'un certain nombre de facteurs aggravants entrent en jeu.
Le manque d'entraînement
du cycliste
est probablement le plus important qui soit adopte une mauvaise position de route, soit, parfois, utilise un matériel inadapté : un mauvais réglage de la selle, par exemple, retentit sur la prise du guidon.En effet cette pathologie n'a, jusqu'à présent été décrite que chez les cyclistes amateurs, comme dans le trois observations précédentes
La forme du guidon
joue certainement un rôle : si le guidon plat a été incriminé dans certains cas, la position basse sur un guidon de course est également défavorable.
La mauvaise qualité de la route
, à l'origine de traumatismes répétés, est un facteur aggravant, souvent souligné . C'est le cas de l'observation 1, survenue sur les difficiles routes de Corse.
Le port à l'avant du vélo d'une lourde charge
, augmenterait à chaque coup de pédale la pression sur le poignet, et un auteur signale le cas d'une femme présentant une paralysie unilatérale du côté de la main tenant un bouquet de fleurs durant tout le trajet, exagérant ainsi l'hyperextension et l'inclinaison cubitale.
Mais, pour certains auteurs le microtraumatisme sur le guidon ne serait qu'une cause occasionnelle, et la paralysie du nerf cubital
serait, avant tout,
un syndrome canalaire
où s'ajoute un facteur vasculaire ou anatomique (muscle surnuméraire) dans le défilé de la loge de Guyon.
Clinique
L'originalité de la paralysie du cycliste est la variabilité des symptômes suivant le siège de la compression par rapport aux branches de division du nerf cubital.
- atteinte motrice et sensitive 67 %
- atteinte motrice pure, touchant tous les intrinsèques 12,5 %
- atteinte sensitive pure 8 %
Fig 5)
A ces trois types les plus fréquemment rencontrés, s'ajoutent des atteintes dissociées tout à fait particulières de cette étiologie:
atteinte motrice pure épargnant les hypothénariens
atteinte motrice pure ne touchant que les hypothénariens se traduisant par la "griffe cubitale"
atteinte sensitive et motrice épargnant les hypothénariens
atteinte sensitive et motrice épargnant l'adducteur du pouce et les deux premiers interosseux
+ + +
L'atteinte est bilatérale dans plus de la moitié des cas et, le plus souvent, asymétrique. Elle prédomine, alors, sur la main dominante qui reste en permanence sur le guidon. C'est le cas des observations 2 et 3.
Le mode d'installation de la paralysie est progressif ou aigu
progressif (obs. 3) :Les troubles sensitifs subjectifs ouvrent toujours la scène. L'atteinte motrice, qui s'accentue si la randonnée continue, alerte alors le patient.
aigu, sur un fond chronique parfois (obs. 2)
L'électromyogramme permet de préciser le type de l'atteinte sensitive, motrice ou mixte, sur l'étude des vitesses de conduction et son niveau lésionnel exact, dont on a vu la variabilité. Il peut déceler une atteinte associée du nerf médian, le plus souvent infraclinique
Évolution
Le pronostic de la paralysie cubitale du cycliste est favorable et le traitement repose sur l'arrêt absolu du vélo. Il est suivi de la régression spontanée des signes neurologiques déficitaires, confirmant le mécanisme microtraumatique. Mais tous les auteurs soulignent la longueur de la récupération motrice (parfois 3 à 4 mois).
La reprise du sport n'est autorisée que sous couvert de précautions élémentaires :
conduite des mains en haut du guidon,
changements fréquents de position,
fractionnement des longs trajets,
port de gants,
choix de routes goudronnées,
matériel réglé et en bon état.
Conclusion
La compression du nerf cubital chez les coureurs cyclistes est une pathologie rare. Mais l'engouement croissant pour le vélo, dans certains pays, explique son augmentation de fréquence ; les 2/3 des observations ont été publiés ces deux dernières années.
L'arrêt total du sport permet la guérison qui est cependant longue, et l'usage de la main peut être perturbé durant plusieurs mois.
Quelques mesures préventives simples semblent suffire à éviter cette complication, mal connue des cyclistes amateurs.
Position des mains, port de gants.